Juste vérité

La vérité est-elle morte ? Peut-être pas, du moins selon des recherches scientifiques récentes. Bien que la vérité ne soit pas complètement éteinte, un écart inquiétant persiste dans l'accès à des informations précises, soulignant comment les inégalités sociales peuvent également se transformer en inégalités d'information.

Les médias jouent un rôle fondamental dans les démocraties modernes, en servant d'outil grâce auquel les citoyens peuvent exercer un contrôle sur le gouvernement. Par exemple, grâce à des informations politiques précises, les électeurs seraient en mesure de rendre le gouvernement « responsable » des promesses faites aux électeurs et des politiques adoptées. Toutefois, ces dernières années, la prise de conscience croissante de l’importance des médias s’est accompagnée de préoccupations généralisées quant à la qualité des informations reçues par les électeurs, en particulier concernant la diffusion de fausses nouvelles politiques. L'effet potentiel des fausses nouvelles ne se limite pas à la propagation de fausses informations, mais consiste également à limiter la propagation de nouvelles véridiques.

Des recherches scientifiques publiées dans l'American Economic Review examinent le phénomène de « post-vérité » selon lequel la perception émotionnelle d'un sujet ou d'une situation peut prévaloir sur la réalité objective ou sur des faits vérifiables. Pour cela, dans le contexte de l’information politique aux États-Unis, les auteurs collectent des preuves empiriques sur l’impact des fausses nouvelles sur le niveau d’information des électeurs.

Le travail est divisé en trois phases. La première consiste à identifier la « vérité journalistique », pour laquelle un protocole a été élaboré sur la base de la sélection d'histoires pertinentes par les journalistes. Ensuite, des enquêtes mensuelles sont réalisées auprès d'échantillons représentatifs d'électeurs américains, les soumettant à des quiz visant à mesurer leur perception de la véracité des informations politiques sélectionnées par les journalistes. Les données sont ensuite utilisées pour estimer un modèle de « discernement » de la fiabilité de l'information.

Au niveau global, les auteurs estiment que 82 % des individus identifient correctement une histoire vraie. Face à une vraie et une fausse nouvelle, 47 % des sujets choisissent en toute confiance l'histoire vraie, les 3 % l'histoire est faux et les 50 % restants sont incertains.

À un niveau désagrégé, les inégalités socio-économiques apparaissent comme le principal facteur déterminant la capacité des électeurs à identifier les faits marquants. L'âge, l'éducation, le sexe, le revenu et l'origine ethnique influencent considérablement la probabilité de sélectionner une histoire vraie. Les inégalités socio-économiques semblent être la raison prédominante pour laquelle une proportion importante du public américain est éloignée du journalisme traditionnel sur le plan informationnel.

Les résultats suggèrent que la « mort de la vérité » est loin d'être un phénomène universel. Contrairement aux attentes, une majorité d'Américains ont une solide compréhension des vraies nouvelles et semblent être capables de les distinguer avec confiance. des fausses nouvelles. L’idéologie politique joue certes un rôle, mais les inégalités socio-économiques représentent le principal facteur explicatif des différentes capacités de discernement. Elle apparaît donc comme un facteur prédictif des inégalités informationnelles.

Ces résultats soulèvent des questions cruciales quant à l'origine de ces inégalités d'information, suggérant la nécessité de réformes visant à atténuer cet écart sur le plan socio-économique.

En conclusion, la recherche appelle à des investigations plus approfondies pour bien comprendre les causes de ces inégalités et évaluer l'efficacité des politiques visant à promouvoir l'égalité d'accès aux sources d'information, en essayant de préserver le rôle fondamental de la vérité dans la société contemporaine. .


Pierluigi Conzo
NP février 2024