La route et la neige

Publié le 27-04-2023

de Fabrizio Floris

L'histoire de Carlo entre amour et liberté

 

 

 

 

 

 

Il neige, il fait très froid, mais il dit qu'il va bien que "le temps n'est pas si rude après tout". Il s'appelle Carlo et il a un sac de couchage et une bâche en plastique pour se couvrir. Il ne veut pas bouger du jardin, il est terrifié à l'idée d'aller dans des endroits où il est enregistré, car les ennemis viendraient le chercher immédiatement : « Je dois être un fantôme, je peux m'enfuir rapidement » et le froid est moins terrifiant, moins effrayant, que ses cauchemars. Beaucoup d'entre nous lui ont proposé une alternative qui, à nos yeux, semblait être meilleure que de passer l'hiver sur un banc, car nous voyons le corps, pas l'esprit de la personne.

Si je lui parle des problèmes de quelqu'un ou de mes difficultés personnelles, il est immédiatement réactif, intéressé et bienveillant. Si au contraire on parle de lui, par exemple de chercher un logement pour l'hiver, il est insaisissable : « ça dépend si ici (les ennemis, ceux qui me contrôlent) me laissent rester, s'ils me laissent tranquille », alors il précise « Je ne peux aller nulle part parce que ceux qui ont préparé ma destruction me sautent dessus. D'après sa façon de parler, c'est comme s'il y avait quelqu'un qui voulait qu'il reste là, s'il fait quelque chose de plus, ils le blessent.

Sa liberté est liée à ma douleur de le voir, de le laisser là dans le froid et le gel. Il est lucide, assertif, fermement convaincu de son choix et comme on disait autrefois « personne ne peut être libre à votre place », vous ne pouvez déterminer la liberté d'autrui.

C'est le problème du rapport entre amour et liberté : l'aide a pour limite la liberté de la personne, l'aide a une frontière au-delà de laquelle la personne ne vous permet pas d'entrer. Mais si une personne risque sa vie, sa liberté peut-elle être respectée ? Et puis combien de conscience y a-t-il? Quelle part de liberté y a-t-il dans cette liberté ? Je pense qu'un parent confronté à la tentative de suicide d'un enfant ne s'arrête pas pour dire que c'est votre liberté que je respecte, mais vous vous battez parce que toute votre vie est intimement liée à la vie de votre enfant. La relation entre l'amour et la liberté ne peut pas être un respect aseptique, mais doit être précisément une lutte.

Carlo dit qu'il connaît le pouvoir qui le cloue à ce banc et qu'il n'y a aucune possibilité, il n'y a pas de rémission, il n'y a aucun espoir. Il sait que l'esprit est plus fort que le corps et tant que le corps est là, il est là, il est là et il ne trouve pas d'abri. Il est nécessaire d'entrelacer nos vies, notre destin avec la vie des personnes que nous voulons aider non seulement en tant qu'individus, mais en tant qu'organisations, en tant qu'institutions, pour lutter jusqu'à l'aube.

Fabrizio Floris

NP Febbraio 2023

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