Commençons par l'autre
Publié le 11-04-2022
Les croyants savent bien que la foi demande compassion, miséricorde et attention à l'humain
L'Eglise ne prétend pas apporter une solution à tous les problèmes présents dans la situation dramatique du monde contemporain, mais elle peut et doit donner, éclairés par la lumière qui vient de l'Evangile, les principes et orientations essentiels pour une juste organisation de vie sociale, pour la dignité de la personne humaine et pour le bien commun.
Ce statut fondamental qui sous-tend le développement du Magistère social de l'Église catholique, clairement gravé dans la Constitution pastorale sur l'Église dans le monde contemporain Gaudium et Spes, promulguée par Vatican II en décembre 1965, est clairement ressorti lors de la récente visite du pape François à Chypre et en Grèce.
Ils sont les fondements d'une démarche laïque, de parler au nom d'"une écologie intégrale", qui n'entre pas en concurrence avec des paradigmes scientifiques (l'état actuel de la science) ou politiques (conservatisme, libéralisme, social-démocratie...) et qui rend aussi pertinent et interpellant le discours sur les cultures qui renvoient à des systèmes de valeurs non directement inspirés du christianisme.
Des personnes et non de l'argent car ce n'est que sur la base de la justice sociale que la violence peut être atténuée et qu'une paix durable entre les peuples peut être établie. Depuis le Document sur la Fraternité Humaine signé à Abu Dhabi avec l'Imam Al-Tayyeb, le Pape François avait exprimé le désir d'impliquer les religions et en particulier le Christianisme et l'Islam, dans la diffusion d'une civilisation de la rencontre. Pour ce faire, le dialogue ne doit pas être considéré comme une stratégie pour atteindre des arrière-pensées, mais un chemin de vérité qui mérite d'être patiemment entrepris pour transformer la concurrence en collaboration, où chacun a des dons à mettre à la disposition de l'autre.
La collaboration s'exprime d'une manière particulière en vivant sa foi religieuse au service de la cause de la paix. Précisément dans le récent Message pour la 55e Journée mondiale de la paix, le pape François décline ce thème selon trois directives fondamentales : le dialogue entre les générations, l'éducation et le travail, considérés comme des priorités essentielles pour construire une paix durable.
Il est difficile de contester la pertinence de ces observations qui, par ailleurs, n'exigent pas de références explicites à des arguments d'autorité puisés dans le domaine de la foi. Mais les croyants, qu'ils soient chrétiens ou musulmans, savent bien que la foi elle-même demande compassion, miséricorde et attention à l'humain.
Il est plus complexe de saisir que cette attention n'est pas en concurrence avec l'hommage au Dieu transcendant : trop souvent la croyance erronée que les prétendus « droits de Dieu » peuvent s'affirmer même au détriment de ceux des hommes, a conduit à des dérives des religions et des manipulations idolâtres du nom de Dieu lui-même.
Jamais auparavant la répétition anaphorique "Au nom de l'âme humaine innocente", "Au nom des pauvres", "Au nom des orphelins", "Au nom des peuples sans sécurité" n'avait retenti comme révolutionnaire et prophétique. .. qui résonne dans la déclaration d'Abu Dhabi susmentionnée. Le croyant sait qu'en filigrane, ces énoncés anthropologiques forts contiennent la référence au « Nom de Dieu Clément et Miséricordieux », celui qui appelle ses créatures à une relation sous le signe de la fraternité, qui est le nom d'une matrice et donc d'une appartenance commune.
Il s'agit de comprendre, de manière « éthique » mais non moralisatrice, que l'autre nous interpelle et ce faisant nous éduque et nous change ; elle oblige à prendre position, à sortir de l'indifférence, à donner une « réponse » (répondeur, d'où découle tout le sens de la « responsabilité »). Repartir de « l'altérité déniée », c'est regarder au-delà, sauter par-dessus la haie des peurs et de l'indifférence, se laisser contaminer. C'est le début d'un tournant anthropologique qui, pour le témoignage de la foi chrétienne, est une tâche éminemment évangélique : c'est l'éthique de la transcendance qui peut rapprocher les croyants de différentes confessions et traditions et les non-croyants.
Le dialogue est un chemin de vérité qui mérite d'être patiemment entrepris pour transformer la compétition en collaboration
Claudio Monge
NP Gennaio 2022