La douleur vendue

«La patiente (m'a dit) qu'elle mangeait pour ne pas mourir, qu'elle se tuait en mangeant. Un autre a expliqué : « Je sais que ça me fait mal, mais je ne peux pas le quitter. » Et puis, j'ai l'impression de vivre la vie de quelqu'un d'autre. « Je rêve sans cesse de serpents, mais je ne comprends pas pourquoi. » « Chaque fois que je parle à quelqu'un, j'ai l'impression de ne plus être là. » « Ma mère disait que c'était pour mon bien, mais j'avais l'impression de mourir. » « Je ne vois pas d'avenir. Tout est noir. » Parfois, les livres des psychologues (psychiatres) contiennent des citations de ce que leurs patients leur ont dit. Des phrases entre guillemets disséminées dans des articles, des conférences, des livres et des podcasts sans jamais avoir reçu le consentement explicite de leurs patients (la fameuse confidentialité). C'est la « douleur vendue » : le buisson ardent devant lequel on se déchausse, l'intimité des gens, qui, au lieu d'être protégée, devient un motif de profit.

Avec la croissance de la solitude et de l’isolement, avec le déclin des réseaux sociaux et des figures d’écoute comme les prêtres, le besoin de se confier à des psychologues (dont le nombre a considérablement augmenté) a explosé. Contrairement au passé, il s'agit d'une écoute qui dans la plupart des cas est payante et, malgré la dimension empathique, cette « souffrance intérieure » risque de rester uniquement la vôtre dès que vous cessez de payer. Mais on pourrait dire que c'est l'une des évolutions possibles du marché capitaliste où même les relations ont un prix et c'est comme ça et il n'y a pas de discussion à ce sujet.

Cependant, même dans l'économie de marché, il existe des règles et des droits (pour les psychologues, il y aurait aussi le code de déontologie), donc en résumé, on peut dire que ce que le patient révèle au psychologue doit rester strictement entre eux. Au contraire, il peut arriver que vous retrouviez vos mots, votre douleur, vos émotions autour de vous et que vous tiriez profit de ce trésor que vous avez donné à garder. « J'ai l'impression que ma vie n'a aucun sens, comme si je flottais dans le vide », « Chaque fois qu'on me demande comment je vais, je ne sais pas quoi répondre, car je ne sais plus ce que signifie être bien », « Je me sens brisé, comme si la vie n'était qu'une mosaïque de pièces qui ne s'assemblent pas », « Je ne sais plus ce que signifie aimer. Et c'est comme si, à chaque fois que j'essaie, quelque chose en moi se brisait. » Enfin, la thérapie vidéo est arrivée avec le risque sérieux que la douleur infligée aux plateformes se transforme en marketing numérique.


Fabrizio Floris
NP Février 2025