La vie en cercle

Le déclin démographique est un phénomène qui caractérise l'Italie et l'Europe de manière significative depuis des décennies et qui continuera à persister dans les années à venir. Eurostat estime que la population européenne continuera d'avoir une tendance négative jusqu'à ce qu'elle perde 30 millions d'habitants d'ici 2100 tandis que le continent africain voisin atteindra 4 milliards d'habitants.

L'Italie pourrait être le deuxième pays après la Pologne à perdre le plus d'habitants. L'effet ne sera pas seulement le déclin de la population elle-même, mais un déséquilibre dans la pyramide des âges qui ressemblerait davantage à un gratte-ciel où quiconque voudra être âgé de 85 à 89 ans sera en grande partie le même que celui qui aura entre 0 et 4 ans. En Italie en 2021, les naissances ont diminué de 25 % par rapport à 2011 et de 50 % par rapport à 1964 : une baisse constante et continue qui tend vers le seuil d'un seul enfant par couple. L'effet est une diminution continue de la population résidente (au moins au cours des 7 dernières années consécutives) atténuée uniquement par le solde migratoire.

Déjà dans un quartier comme Mirafiori, Turin, les plus de 65 ans sont deux fois plus nombreux que les jeunes jusqu'à 15 ans. Un missionnaire revenant d'Afrique m'a demandé « où sont passés les enfants ? ». Il y en a, mais ils sont peu nombreux. À Turin, il y a 41 979 enfants âgés de 0 à 6 ans alors qu'il y a près de 100 000 chiens. Les animaux de compagnie ont connu une croissance rapide ces dernières années et on ne sait pas si l'individualisme et la solitude ou le chien sont venus en premier, le fait est que la combinaison de la télévision, de la solitude et du chien a créé un noyau apparemment autoréférentiel. C'est un phénomène transversal qui concerne toutes les tranches d'âge et tous les types de familles, mais celui qui frappe le plus est constitué de jeunes couples que les Britanniques appellent dink, double incoms no kids, two costs and no children. À Mirafiori, le nombre de ces couples accompagnés du chien ou des familles avec un enfant augmente, qui lui achètent le chien pour lui tenir compagnie après l'âge de trois ans. Alors le curé à la fin, un peu découragé, dit : " Dieu merci il y a des chiens, des chats et la télévision, sinon cet état de solitude serait encore plus lourd ".

Pourtant comme l'explique Godbout « il y a une sorte de loi sociale qui fait que ce qui ne circule pas meurt, comme cela arrive pour la mer de Galilée ou la mer Morte. Formés par le même fleuve, le Jourdain, ils sont l'un vivant et l'autre mort, car le premier donne de l'eau à d'autres fleuves tandis que le second la garde pour lui tout seul". Les sociétés ont besoin de relations continues d'échange, de don : car ce qui ne circule pas meurt, seule la vie nourrit la vie.


Fabrice Floris
NP avril 2022