Sous les étoiles

Le voyage a été long et fatiguant.
Vous avez disparu depuis toute une vie et quand vous arrivez les gens doivent bien vous regarder pour pouvoir vous reconnaître dans un regard ou un sourire.
Vous reconnaissez le profil d'une montagne comme si vous l'aviez étudié par cœur, le bruit de la pluie qui envahit les rues, faisant apparaître des cascades et des ruisseaux partout, le point exact où le soleil plonge dans la mer et change la couleur de tout ce qu'il rencontres, la plage que vous glissez et glissez entre vos mains et sous vos pieds, redécouvrant la consistance et la composition uniques de votre sable.

Ils disent que nous sommes tous dans le même bateau et dans la même tempête. Chacun de nous a sûrement sa propre maison. L'endroit où rien ne change jamais, où même une vie après tout reste toujours la même qu'avant.
Où tout sent la magie et la paix.
Certains sont là depuis des années et d'autres ne sont jamais partis. Des vies dédiées à la protection et à la conservation d'un petit paradis : enlever les mauvaises herbes, vérifier que l'eau arrive à destination, planter une fleur, ramasser un morceau de papier que d'autres ont jeté. On dirait de petites choses, on dirait des vies gâchées toujours au même endroit à faire la même chose, mais sans elles il n'y aurait pas de maison, il n'y aurait pas de toi.

Fermez les yeux et regardez en arrière. Car chaque fois que vous vous êtes égaré, vous ne l'avez jamais retrouvé. Tu es venu plus tard, mais qu'importe ? On dit que le voyage est plus important que la destination, mais n'est-ce pas la dernière étape et l'endroit spécial que vous atteignez qui donne un sens à toutes les étapes que vous avez déjà franchies et vous permet enfin d'arrêter de chercher ?
La nuit est sombre, le ciel est plein d'étoiles brillantes et filantes. Seul le ciel est peut-être le même pour tout le monde, bien plus que le bateau et même la tempête. Le ciel qui se voit à peine qui tremble au gré des vagues combattant à mains nues contre les monstres et l'abîme sans même un morceau de bois auquel s'accrocher et une main tendue à son secours. Le ciel qui oublie ceux qui ont trop de distractions et trop de sécurités et voyage sans lever le petit doigt du haut du navire qui porte son nom, plein de chambres pour des invités qui ne sont pas là et de canots de sauvetage qui n'ont jamais aidé personne.

L'obscurité est une condition fondamentale et nécessaire pour que chacun puisse mieux voir les étoiles. Quelqu'un n'a même pas à faire l'effort d'éteindre la lumière, de s'éloigner des lampadaires et des ampoules, des feux de sécurité et des feux de voiture. Qu'est-ce que ça fait d'être arrivé plus tard, quand les étoiles t'attendaient ? Regarder le ciel et faire un vœu : chaque arrivée est un nouveau départ, un autre voyage qui commence, penser qu'il sera moins long et fatiguant n'est qu'un petit espoir.
Vous repensez à toutes les erreurs que vous avez commises en emballant votre équipement et en établissant un contact visuel avec vos nouveaux compagnons de voyage. Vous savez qu'ils vous protégeront et vous devrez les protéger.
Pensez au moment spécial où vous rentrerez un jour à la maison. Vous cherchez l'obscurité et regardez les étoiles auxquelles vous avez confié votre souhait qui continuent de briller et de tomber. Et vous pensez qu'au fond nous sommes aussi un peu comme eux. Nous ne pouvions pas vraiment briller sans tomber d'abord.

Marco Grossetti
NP août / septembre