Avec de nouveaux yeux

Publié le 27-09-2021

de Michelangelo Dotta

Après 12 mois d'état d'urgence national déclaré avec en annexe des directives, lois, ordonnances, DPCM, cartes en couleurs, etc., une certitude est devenue claire pour tout le monde, à savoir que la notion de discipline nous est désormais totalement étrangère ; en fait, il n'y a plus d'institutions capables de l'imposer, elle ne s'enseigne pas en famille, elle n'est pas attendue à l'école, le tout au nom d'une prétendue liberté qui laisse en pratique chacun impuni et profondément convaincu qu'il est autorisé à se comporter de quelque manière que ce soit. A la télévision, à côté des proclamations officielles, des données médico-scientifiques et des statistiques, il y a un flot d'images qui immortalisent et stigmatisent des attitudes et des situations qui ignorent chaque règle et disposition et, même si dans les intentions tout doit avoir le goût de la dénonciation journalistique de la malversation rampante, en fait, re-propose une réalité qui est reproduite par d'autres en toute tranquillité, souvent avec un sourire de défi sur les lèvres tournées vers les caméras.

Tout semble légitime au nom de sa satisfaction, se récompenser est devenu un impératif catégorique. Il n'y a pas longtemps, un ami m'a envoyé une image qui valait plus qu'une réflexion sur mon téléphone portable : sur un mur, écrite avec une bombe aérosol rouge, une phrase "Je fais ce que je veux !"... des lettres majuscules fermes, une ligne sûre, immédiate lisibilité... résumée en une simple affirmation, un programme de vie très partagé et appliqué en ces temps sauvages mais, juste en dessous, un peu à côté et presque de travers, en défiguration ou en défiance, une autre phrase, en italique rapide, mais tout aussi péremptoire "Moi aussi quand je te rencontre"... C'est en quelque sorte la traduction lapidaire de deux manières de "sentir" son existence qui font peur, toutes deux aux extrêmes d'un sentiment social qui semble s'être perdu dans ce climat d'isolement qui exacerbe les tensions et démolit les certitudes.

Après une année de pandémie et de peur, le monde est redevenu ce qu'il a toujours été pour nos ancêtres, lointain, mystérieux et plein de pièges cachés. Ce n'est pas une régression, mais un simple retour en arrière, une de ces choses auxquelles nous n'avons pas l'habitude de faire, choyés et flattés par ce tout facile et abordable qui caractérise les sociétés d'opulence, en premier lieu l'Occident. Qu'on le veuille ou non, il faut aujourd'hui prendre conscience qu'une sorte de rééducation forcée s'opère qui nous oblige à reconsidérer les certitudes, les privilèges et les acquis et à observer le monde qui nous entoure sous un autre angle : non plus avec autant de regards de tant d'individus, mais avec une vision unique, collective, je dirais en quelque sorte unitaire qui nous permet, et en quelque sorte nous oblige à nous considérer comme un « unicum » où tout, pour le meilleur ou pour le pire, est destiné d'impliquer tout le monde.

Peut-être que cette prise de conscience, à certains égards si difficile à accepter, est le seul moyen dont nous disposons non seulement pour sortir de cette pandémie mondiale, mais aussi pour reconstruire un tissu social résolument plus solidaire et équilibré capable d'affronter, de soutenir et de surmonter à l'avenir les différentes crises qui menacent la survie même de notre planète et de l'humanité qui l'habite.

 

NP Maggio 2021

Michelangelo Dotta

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