Développement et potentiel humain

Partant du constat que la misère prend des aspects très graves dans le Tiers Monde et de la nécessité pour les pauvres actuels d'être moins déshérités, côté politique on insiste davantage sur la recherche de justice, côté humain sur le bonheur ou la fraternité. Une réponse pourrait donc être : ces dernières années, nous nous sommes intéressés au développement parce que nous aimerions que l'humanité, dans ses composantes les plus pauvres, soit plus heureuse. Donner plus de bonheur aux pauvres du tiers monde est vraisemblablement [une réponse] erronée ou, du moins, incertaine car elle n'est pas pleinement justifiée par l'analyse des faits. Nous ne savons pas du tout si une personne du tiers monde avec une espérance de vie de 35 ans est plus ou moins heureuse que de mourir à 60 ans. Nous ne savons pas du tout si cet enfant que nous avons sauvé de la famine aura une vie heureuse. Je crois que le parallèle entre bonheur et développement n'est pas documentable et suffisamment objectif pour justifier avec certitude pourquoi il faut s'intéresser à la problématique du développement.

Je suggérerais une motivation, qui part du désir que chaque homme puisse être complètement épanoui, ce qui ne signifie pas nécessairement être heureux. Il me semble qu'on peut ainsi trouver un lien assez significatif avec la nécessité de s'engager dans le développement, car le développement donne objectivement une série de possibilités d'épanouissement humain que le non-développement ne peut donner. Le fait de vivre jusqu'à 80 ans et plus, donc, ne rend pas forcément la personne plus heureuse, mais cela permet certainement un plus grand potentiel de vie, cela permet de poursuivre un cycle biologique, d'éprouver tous les buts pour lesquels d'une certaine façon il vit ou - pour ceux qui sont croyants - pour qui il a été créé. La motivation que nous recherchons pourrait donc se formuler ainsi : nous sommes intéressés et engagés dans le développement, car le développement est nécessaire pour que l'homme puisse exprimer tout son potentiel quantitativement et qualitativement.


Giorgio Ceragioli
de « Progetto » (maintenant « NP »), 1992, n. 4