Frontières ouvertes

Mardi, j'ai été invité à déjeuner dans la maison que nous gérons à Moncalieri. Je n'y étais pas retourné depuis un moment, et y entrer en tant qu'invité m'a permis de profiter pleinement du climat et des gens sans la pression de devoir faire ou gérer les choses. La maison a été ouverte pour offrir une place aux femmes qui n'avaient pas de logement. Au fil du temps, il s’est adapté aux besoins d’une nouvelle pauvreté. Pendant 19 ans, 165 bénévoles se sont relayés 24 heures sur 24 pour offrir un logement à plus d'un millier de personnes. Une relation profonde est née avec certains invités et certains sont désormais bénévoles. Depuis 2 ans la maison est autogérée par les hôtes et les bénévoles sont présents pour accompagner les mères et les enfants dans leur cheminement. Chaque invité a son intimité et son autonomie. Le rôle des bénévoles est de faciliter la rencontre dans le respect de chacun sans forcer car si un besoin premier est d'avoir un espace personnel, un besoin tout aussi profond est celui d'ouverture, de rencontre.

La soirée musicale et dansante du vendredi, le moment de prière, les deux dîners partagés dans la semaine sont des espaces de participation où chacun, du plus grand au plus jeune, veut être présent. Vous sentez que vous n'êtes pas un point perdu dans l'univers, vous ressentez qu'il fait bon être ensemble et que la culture de l'autre, si différente, est intéressante à découvrir, et ainsi le pays d'où vient l'autre devient un pays ami. Dans ce climat, il devient normal pour Kelvin, un Nigérian de 14 ans, de passer quelques jours avec la famille marocaine de Karim. Ils se sont rencontrés alors qu’ils vivaient tous les deux dans la maison et sont devenus des amis fraternels. Ainsi Soumia, Hind et Najat qui ont désormais leur autonomie, retournent souvent dans leur « famille » le dimanche. Chacun apporte quelque chose et nous déjeunons ensemble. Parce que c'est bien d'avoir sa propre maison, d'être indépendant, mais c'est aussi bien d'avoir un endroit et des visages amicaux pour se rencontrer et partager les victoires et les déceptions du quotidien. Ensuite, deux mardis par mois, la maison s'ouvre à des invités spéciaux : les bénévoles plus âgés qui ont fourni leur service pendant longtemps et qui reviennent maintenant pour être avec Renza, Maria et avec ceux qui souhaitent y être.

Mardi, nous étions très nombreux sous le portique. Une table qui, sous mes yeux émerveillés, s'allongeait de plus en plus au fil du temps : les enfants qui revenaient de l'école, la famille pakistanaise qui passait me dire bonjour, Silvia de San Vincenzo, Carla qui n'est pas vieille, mais en pause déjeuner le mardi. souvent elle vient se retrouver en compagnie de cette famille folle aux frontières ouvertes et qui lui fait moins ressentir le mal du pays pour sa famille éloignée.

Simona Pagani

NP Ottobre 2023