Le parfum du rêve

Il arrive parfois que les archives d'un photographe puissent passer de la mémoire individuelle à la mémoire collective. Cette partie de la mémoire où l'empathie n'est jamais affectée par le moule de l'indifférence et où le sentiment ne peut jamais être un simple problème d'obsolescence.

C'est le cas de cette photographie que j'ai prise un matin en Angola, à Benguela, une ville de 10 000 habitants à 450 km au sud de Luanda, la capitale de l'état africain situé le long de la côte de l'océan Atlantique .
Je suis arrivé là-bas quelques années après la fin de la guerre civile pour l'indépendance, et la chose la plus frappante était le manque d'infrastructures, la corruption et la violence toujours répandues.
Je me suis lié d'amitié avec un groupe de jeunes étudiants mélomanes qui m'ont emmené pour documenter l'endroit.
Sur la plage, non loin du marché aux poissons, nous montons les escaliers d'une structure délabrée en béton armé, où plusieurs sacs de jute sont étalés sur le trottoir et le poisson frais est exposé pour être séché.

Au milieu de cette puanteur "dégoûtante", deux enfants m'ont frappé qui, au lieu de jouer comme beaucoup d'autres, étaient déterminés à se disputer dans une longue conversation intime. En arrière-plan, des gens, peut-être des marins scrutant l'horizon.
Sans trop me poser de questions, j'ai pris le seul coup : je n'avais plus de rouleaux.
Après avoir demandé à connaître leur nom, j'ai donné à chacun un stylo à bille, du chewing-gum et j'ai ainsi appris que le garçon s'appelait Akili, ce qui signifie en swahili "brillant et intelligent".
Médard, la petite fille, en revanche, en langue locale signifie "bonne et courageuse".
Il était impossible d'entendre ce que ces deux-là se disaient. Pourtant, j'aime à imaginer que leurs beaux rêves étaient communs et loin de là : une paire de chaussures neuves, des vêtements propres, un bon parfum de marque, suivre une route vers un avenir serein et prospère. Un mirage qui prend forme de l'autre côté de la mer, même sous forme d'odeurs - peut-être même dégoûtantes - mais, pour ceux qui se sentent sans avenir, condamnés, ils semblent toujours être les meilleurs et attirer, car au fond est le " parfum du rêve".


© 2023 Luca Periotto
NP Mars 2023