Les nouveaux visages de la RAI

Publié le 08-05-2023

de Michelangelo Dotta

Sans faire de bruit et encore moins de clameur, voire avec un changement tacite de la garde sous les radars, les nouveaux bustes de la télévision d'Etat sont l'avant-garde la plus visible du nouveau cours politique de notre pays. Quiconque suit l'actualité Rai par amour ou simplement par habitude ne peut s'empêcher de remarquer la multitude de visages, d'accents, de postures et d'atours jamais vus qui apparaissent sur les écrans de la maison, pléthore de nouveaux locataires du tube cathodique comme des champignons après le résultat du vote. Les alternances commentent chaque changement de gouvernement, les remplacements dans les hautes fonctions provoquent une clameur et enflamment tristement l'opposition mais c'est la pratique et, après, tout le monde donne la paix et les nouveaux élus, même aux postes importants, occupent les sièges convoités comme un récompense et disparaissent dans l'ombre.

Au contraire, les demi-longueurs du JT, débutent en apnée et avec une appréhension incertaine, la conquête lente mais constante de l'écran, par des inconnus émérites relégués dans les rédactions centrales et périphériques, se retrouvent soudain micro en main et la caméra braquée en plein visage pour commenter les services les plus disparates, prêts à racheter la carte du parti qu'ils ont jalousement gardée dans leur poche depuis si longtemps. Désormais, ce sont les protagonistes que nous apprendrons à connaître nuit après nuit, ce sont les nouveaux conteurs des événements du monde avec qui nous devrons émettre un vote de confiance, ce sont les nouveaux compagnons de voyage avec qui nous partagerons le beautés et laideurs de la planète. Les JT de la Rai sont parmi les émissions télévisées les plus regardées de tous les temps, des audiences constantes dans le temps, des fans d'elles, des avant-postes décisifs de la politique, des haut-parleurs et des grosses caisses irremplaçables en guise de suivi et de capillarité, mais au final ce sont les visages, les expressions et les bustes regard qui retiennent l'auditeur. Mais il ne faut pas s'arrêter à la seule esthétique de l'image, la télévision, au même titre que la vue, sollicite et impose aussi l'usage simultané d'un autre sens d'importance fondamentale, l'ouïe, la parole, le verbe que l'oracle de transformer profondément en un plus ou mesure moins équilibrée et, hélas, malheureusement de plus en plus souvent grammaticalement très discutable.

Il ne s'agit pas seulement de subjonctif et de consecutio temporum dont les traces sont depuis longtemps perdues, mais précisément des règles de syntaxe les plus élémentaires combinées à la nouvelle mode d'inventer de toutes pièces de nouveaux mots qui n'existent pas dans notre vocabulaire, des termes inventés sur le Repéré, en direct, ou tiré de la vulgate par des barreaux, des estropiés et des laideurs verbales qui ne conviennent pas aux armoiries présumées d'un radiodiffuseur d'État. Mais de toute façon... la vague longue d'une scolarité médiocre alliée à une estime de soi exagérée a aussi atteint le sommet de la communication n'en déplaise à ceux qui étaient encore convaincus d'une véritable "mission" éducative de la télévision.

Michelangelo Dotta

NP Febbraio 2023

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