Les raisons du don

Publié le 06-03-2022

de Pierluigi Conzo

Je me suis toujours demandé dans quelle mesure un acte de générosité est guidé par des motivations « égoïstes » et dans quelle mesure il relève de pulsions purement altruistes.
La littérature scientifique qui étudie les motivations des actions tournées vers les autres, c'est-à-dire orientées vers le bénéfice d'autrui, n'a pas trouvé de solution univoque à la question.
Parmi les partisans de la lignée du don « égoïste », il y a ceux qui démontrent que c'est le plaisir individuel qui motive les choix altruistes : l'acte même de donner est une « chaleur » (chaleur chaude) qui fournit toute âme une récompense émotionnelle non négligeable. Dans le même ordre d'idées, d'autres auteurs soutiennent que le don est le résultat d'une attente de réciprocité : aujourd'hui je fais le bien, car j'espère/crois que tôt ou tard d'autres se comporteront ainsi envers moi. Selon d'autres, le don nourrit l'image que chacun se fait de lui-même, ainsi que sa propre réputation auprès du groupe social de référence. D'autres auteurs ont montré que donner minimise le coût d'une déviation d'une norme sociale qui prescrit une grande générosité. Selon les partisans de la deuxième ligne de pensée, cependant, les gens ont une propension innée à donner, résultat d'expériences passées individuelles, qui est stable même dans des conditions contextuelles différentes. D'autres auteurs montrent également que les individus ont tendance à donner pour réduire les inégalités, pour sympathiser avec le bénéficiaire, pour dédommager le bénéficiaire d'un tort subi, et pour bien d'autres raisons qu'il est difficile de résumer dans cet article.

Une publication récente dans la revue scientifique Nature Human Behavior analyse s'il existe des raisons purement altruistes derrière les dons à une association caritative d'autrui, ou des raisons plus orientées pour satisfaire un bénéfice personnel (altruisme impur, selon les auteurs). À cette fin, les auteurs ont examiné si et comment la réception de lettres visant à encourager les gens à faire un don affecte leur comportement.
Pour ce faire, ils ont mené une expérience en Alaska, où certaines familles ont reçu des messages invitant les gens (environ 540 000) à faire un don à une association caritative d'État. Plus précisément, les auteurs ont assigné au hasard chaque famille à un groupe témoin (qui ne reçoit aucune carte postale) ou à l'un des deux groupes de traitement ayant reçu une carte postale contenant un appel destiné à mettre en évidence l'une des deux principales raisons de donner : attention aux bénéfices personnels (altruisme impur, figure A) ou à ceux des autres (altruisme pur, figure B). Les personnes affectées à ces groupes recevaient soit le premier message, soit le second.
Les résultats mettent en évidence l'importance relative de l'auto-bénéfice dans les choix de cadeaux. Les personnes qui ont reçu la carte soulignant les avantages personnels étaient environ 6,6 % plus susceptibles de faire un don ; de plus, leurs dons étaient supérieurs de 23 % à ceux du groupe témoin. Cependant, les messages soulignant les avantages pour les autres augmentaient la propension à donner, mais n'avaient aucun effet sur le montant moyen des dons. De plus, les personnes qui avaient fait un don à l'institution au cours des années précédentes étaient plus susceptibles de faire un don, avec des dons moyens plus importants que ceux qui n'avaient jamais fait de don à l'institution auparavant. Cependant, recevoir n'importe quel message a augmenté à la fois la propension à faire un don et le montant donné par les nouveaux donateurs, ce qui suggère que de tels appels réglementaires peuvent être un moyen efficace de pousser les donateurs à faire un don qui ne l'ont pas encore fait. .

Il est certes difficile, voire irréaliste, d'identifier une raison unique qui pousse les gens à donner. Il est cependant beaucoup plus probable que derrière chaque choix de cadeau se cachent des motivations mixtes. Du point de vue du bien-être social, il peut être important de comprendre comment tirer parti de certaines de ces motivations pour pousser les gens à donner (plus). L'étude qui vient d'être décrite démontre que les invitations à faire un don - notamment par le biais de messages mettant en avant le bénéfice personnel lié au choix du cadeau - peuvent être un outil relativement peu coûteux pour maximiser le nombre et/ou le montant des dons.


Pierluigi Conzo
NP Décembre 2021

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