Un retour en champion

Bonne cinématique 2024 (et pas seulement évidemment). Grâce également au beau film de Paola Cortellesi, la fréquentation des salles de cinéma semble désormais s'être stabilisée aux niveaux d'avant la pandémie et la saison encourage cette tendance en nous proposant un bon nombre de titres très intéressants.

PAUVRES CRÉATURES !
Le réalisateur grec Yorgos Lanthimos ne laisse jamais indifférent dans des œuvres très personnelles (Le Sacrifice du Cerf sacré, La Favoris) qui mêlent préoccupations contemporaines et récits extrêmes. Son dernier film – présenté à Venise – ne fait pas non plus exception : un savant fou a en effet retrouvé le corps d'une femme sans vie et, la découvrant enceinte, a transplanté le cerveau du fœtus dans son crâne de femme adulte. Comment des yeux totalement purs et inexpérimentés, contenus dans une coquille qui a déjà vécu et vécu des expériences, voient-ils le monde ? Une revisitation du mythe de Frankenstein pour une histoire de libération féminine (grâce à la splendide interprétation d'Emma Stone) qui n'a jamais été aussi d'actualité.

LA ZONE D'INTÉRÊT
En compétition au Festival de Cannes, le film du réalisateur anglais Jonathan Glazer a beaucoup impressionné par l'originalité avec laquelle il aborde le thème de la Shoah et qui met le spectateur à l'épreuve. Une vie rurale et tranquille semble se dérouler dans une petite maison de campagne où une famille passe ses journées entre les promenades en bateau, l'entretien du jardin et la simple socialisation. Mais ce coin de normalité borde le camp de concentration d'Auschwitz et le chef de famille en est le commandant. Un film qui force notre attention avec des dissonances visuelles (en arrière-plan de la maison on aperçoit les cheminées du camp et les souffles des trains) et sonores où les cris et les coups de feu ne troublent pas la « banalité du mal » de la vie sur le dehors.

LEÇONS DE VIE
Après avoir également triomphé au Festival du Film de Turin, l'un des meilleurs films de 2023 selon tous les sondages arrive en salles. 1970 : dans un collège de la Nouvelle-Angleterre, le sévère professeur Hunham doit rester en compagnie du cuisinier de l'école pour « soigner » les étudiants qui ne peuvent pas retourner dans leur famille pour les vacances. Le climat glacial (pas seulement à cause de la neige dehors) se réchauffe à cause des disputes et des ressentiments entre étudiants et professeur puis se recompose grâce à la comparaison et à la recomposition des contrastes. Un film passionnant réalisé par Alexander Payne et doté d'un excellent jeu d'acteur, de dialogues très bien écrits et destiné à devenir un petit classique.

Davide Bracco
NP janvier 2024