Accordons-nous

Comme vous l'avez tous remarqué, ces dernières années, il est de plus en plus rare de rencontrer des personnes paisibles qui s'entendent avec tout le monde. Ce qu’on appelait des morceaux de pain a disparu de l’horizon… et je connais quelqu’un qui dirait que les morceaux d’autre chose ont augmenté de façon exponentielle. Mais c'est une autre histoire. Le monde est de plus en plus divisé en catégories et sous-catégories et c'est le moment de se retrouver au milieu d'une discussion. L'autre jour, face à la scène d'un ami qui coupait du bois torse nu, l'idée m'est venue spontanément de lui dire : "Tu es vraiment un vrai homme". Je me tourne vers ma fille qui me regarde et me dit : "Papa, tu es sexiste."

Alors je me tourne vers mon ami et lui offrant une bière fraîche je lui dis: «Allez, prenons une bière, tellement avec cette panse que tu te retrouves personne ne le remarque!». "Papa, tu savais que c'est du body shaming ?", répond le jeune de 15 ans au coin de la rue. Je ne suis pas sûr de ce qui s'est passé ces dernières années, mais maintenant, quelqu'un est offensé par quelque chose lorsqu'il respire.

Chez Sermig, nous réalisons (entre autres) le service de changement de vêtements pour les personnes vivant dans la rue et en difficulté, c'est pourquoi, grâce à de nombreux bénévoles de bonne volonté, nous préparons des colis de changement complet, plus ou moins 600 par mois. Il existe des utilisateurs de toutes ethnies et religions et il arrive parfois que « le client », pour une raison quelconque, ne soit pas satisfait du service. Voici quelques incidents dont j'ai été témoin. Un Italien toxicomane ouvre le sac de vêtements et, insatisfait, lâche : "On ne donne que les bonnes choses aux "nègres"" et s'en va en criant. Un Roumain, lassé d'attendre, dit : « Vous aidez tout de suite les Marocains et les « nègres », » et s'en va en claquant la porte. Un Marocain visiblement contrarié, insatisfait, je ne comprends pas bien pourquoi, nous dit : « Vous traitez les Roumains et les « noirs » comme des rois ». Enfin un Égyptien : « Vous n'aimez que les Marocains, les Roumains et les « Nègres » ». Ce à quoi j'ai une révélation : sur une chose, ils sont tous d'accord, pour une raison obscure pour moi, 150 ans après l'esclavage, tout le monde en veut toujours aux « noirs ». Mais à la fin de la journée un Congolais arrive, prend le sac et sort doucement et répond à toutes mes questions : « Que Dieu vous bénisse ».

Andrea Gotico

NP Giugno-Luglio 2023